Plan Épargne retraite : chronique d’un échec annoncé ?

par Arnaud Sylvain | Assurance-vie

6 janvier 2020

La loi pacte simplifie l'épargne retraite

La loi Pacte simplifie l’épargne retraite. La rend-elle pour autant plus attractive ? Non.

 


Sommaire


Les produits financiers d’épargne retraite (PERP, Madelin, PERCO…) séduisent peu. Si 12,5 millions de Français en détenaient en 2018 (soit plus de 40 % des actifs), leur encours reste faible. Il est de 250 milliards d’euros alors qu’il est de 1 700 milliards d’euros pour l’assurance vie et de 400 milliards d’euros pour les livrets réglementés comme le livret A et le livret de développement durable (LDD). Ce développement limité s’explique entre autres par des produits complexes répondant à des règles hétérogènes. Par ailleurs, ces produits sont peu orientés vers le financement des entreprises.

Afin d’encourager l’épargne retraite et inciter les épargnants à financer l’économie réelle plutôt que la dette publique la loi Pacte crée le Plan d’Épargne Retraite (PER).

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Qu’est ce que le PER ?

Le PER est un nouveau produit d’épargne retraite disponible depuis le 1er octobre 2019. Il remplacera progressivement les autres plans d’épargne retraite et l’épargne des anciens plans pourra y être transférée.

Le PER se décline sous 3 formes :

  • un PER individuel qui succède au Perp et au contrat Madelin.
  • un PER d’entreprise collectif qui succède au Perco.
  • un PER d’entreprise obligatoire qui succède au contrat article 83.

 

Tous les nouveaux PER, individuels ou collectifs, sont régis par des règles identiques, plus favorables et plus flexibles pour les épargnants :

  • les droits sont facilement transférables d’un produit à l’autre et les frais de transfert sont strictement encadrés&nbsp:;
  • l’épargne accumulée peut être retirée à tout moment pour l’achat de la résidence principale. Toute l’épargne est par ailleurs disponible en cas d’accident de la vie ;
  • lors du départ en retraite, l’épargne volontaire peut être liquidée en rente ou en capital.

 

PER individuel

Le PER individuel est ouvert à tous. Il peut être souscrit auprès d’un établissement financier, d’un organisme d’assurance, ou encore d’un conseiller en gestion de patrimoine.

  • Le PER assurance est un contrat proposant des fonds en euros et des unités de compte. En cas de décès du souscripteur durant la phase d’épargne, les fonds accumulés sur le contrat seront transmis hors succession, comme tel est le cas pour l’assurance vie.
  • Le PER bancaire est un contrat qui se présentera sous forme d’un compte-titres. En cas de décès du souscripteur, les fonds accumulés sur le contrat feront parties de la succession.

 

Le PER individuel est alimenté par des versements volontaires. Les sommes issues de l’intéressement, de la participation et de l’abondement de l’employeur, les sommes issues d’un compte épargne temps (CET) et les versements obligatoires effectués sur un PER d’entreprise obligatoire peuvent y être versées, mais uniquement en cas de transfert d’un PER d’entreprise vers un PER individuel.

 

PER d’entreprise collectif

Le PER d’entreprise collectif est un plan ouvert à tous les salariés d’une entreprise, sans obligation de souscription. Il succède aux actuels Perco et doit être mis en place dans une entreprise.

Le plan peut être créé à l’initiative des dirigeants de l’entreprise ou par un accord avec les représentants des salariés. Lorsqu’il y a au moins un délégué syndical ou un comité social et économique dans l’entreprise (CSE), l’employeur est obligé de mener une négociation préalable avec eux avant de créer le plan.

L’entreprise peut choisir de regrouper le plan d’épargne collectif facultatif et le plan d’épargne collectif obligatoire dans un plan unique. Ainsi, les anciens plans d’épargne comme le Perco et l’article 83 peuvent être transférés dans un plan unique.

Le PER d’entreprise collectif peut être alimenté avec les sommes suivantes :

  • Versements volontaires,
  • intéressement,
  • participation,
  • droits inscrits sur un compte épargne temps (CET). En l’absence de CET, sommes correspondant à des jours de repos non pris, dans la limite de 10 par an.

Par ailleurs, le PER d’entreprise collectif peut être alimenté par des versements complémentaires de l’employeur.

 

PER d’entreprise obligatoire

Le PER d’entreprise obligatoire est un plan ouvert à tous les salariés d’une entreprise ou réservé à certaines catégories de salariés. Les salariés concernés ont l’obligation de souscrire. Ce plan succède aux contrats article 83. L’échéance du plan est l’âge de la retraite, mais avec des cas de déblocage anticipé.

Le PER d’entreprise obligatoire est mis en place dans une entreprise. Il peut être créé par décision du chef d’entreprise, ratification d’un accord par la majorité des salariés, ou accord collectif.

Le PER d’entreprise obligatoire peut recevoir les sommes suivantes :

  • Versements volontaires,
  • versements obligatoires,
  • participation et/ou intéressement,
  • droits inscrits sur un compte épargne temps (CET). En l’absence de CET, sommes correspondant à des jours de repos non pris, dans la limite de 10 par an.
  • versements obligatoires de l’employeur (le cas échéant).

 

Sauf mention contraire de l’épargnant, la gestion des sommes versées sur le PER se fait suivant le principe de la gestion pilotée selon des profils prédéfinis (par ex. prudent, équilibré, dynamique). Lorsque le départ en retraite est lointain, l’épargne peut être investie sur des actifs plus risqués et plus rémunérateurs. À l’approche de l’âge de la retraite, l’épargne est progressivement orientée vers des supports moins risqués.

 

La fiscalité du Plan Épargne Retraite

 

Versements volontaires (sur un PER individuel ou collectif)

Les versements volontaires peuvent être déduits du revenu imposable dans la limite d’un plafond établi. L’épargnant peut toutefois choisir de ne pas bénéficier de cette déduction fiscale. Les versements volontaires déduits du revenu imposable à l’entrée sont soumis à l’impôt à la sortie.

Ainsi, lors d’une sortie en capital, les plus-values sont assujetties au prélèvement forfaitaire unique (PFU) au taux de 30 %, dont 17,2 % de prélèvements sociaux. Le capital quant à lui est taxé au barème progressif de l’impôt sur le revenu pour la fraction ayant bénéficié d’une déduction fiscale à l’entrée.

Lors d’une sortie en rente, si les versements volontaires ont été déduits du revenu imposable, la rente est assujettie à l’impôt sur le revenu suivant le régime fiscal des rentes viagères à titre gratuit Elle est taxée suivant le barème progressif de l’impôt sur le revenu.

Pour les versements volontaires non déduits du revenu imposable, la rente sera assujettie à l’impôt sur le revenu suivant le régime des rentes viagères à titre onéreux. La partie de la rente soumise à l’impôt sur le revenu sera fonction de l’âge du rentier :

 

PER collectif hors versements volontaires

Les sommes versées au titre de l’épargne salariale sur un PER collectif (Perco) et les versements obligatoires sur un PER catégoriel (Article 83) sont entièrement défiscalisées à l’entrée.

Dans le cas d’une sortie en capital, les plus-values sont taxées au taux de prélèvement forfaitaire unique (PFU) au taux de 30 % et le capital est entièrement défiscalisé.

Dans le cas d’une sortie en rente, la rente est assujettie à l’impôt sur le revenu suivant le régime des rentes viagères à titre onéreux. Cependant, pour les versements obligatoires sur un PER catégoriel, la seule option de sortie est la rente et la fiscalité appliquée correspond au régime des rentes viagères à titre gratuit.

 

Le Plan Épargne Retraite a-t-il vraiment un intérêt ?

Un énième produit tunnel

Comme les produits financiers qu’il remplace, les sommes versées sur un PER ne seront disponibles qu’au moment de la retraite. Des aménagements ont néanmoins été apportés puisque la sortie pourra s’effectuer en capital et non plus obligatoirement en rente.

Par ailleurs, une sortie en capital pour acquérir sa résidence principale sera possible. Si cette dernière possibilité vise à rendre le PER attractif, elle peut néanmoins se révéler peu compatible avec la constitution d’un patrimoine à long terme et l’option par défaut de gestion pilotée. En effet, est-il vraiment opportun de prendre des risques avec son épargne si l’horizon temporel n’est plus la retraite mais l’acquisition d’une résidence principale ? Mais alors, si l’épargnant choisit une gestion libre et opte pour un fonds en euros parce qu’il envisage une sortie anticipée, que devient l’objectif de financement des entreprises à l’origine du PER ?

 

Une gestion pilotée dont l’efficacité reste à prouver

Comme les sommes versées ne sont normalement disponibles qu’au moment du départ en retraite, la gestion pilotée (option par défaut) investira sur des actifs d’autant plus risqué que cet horizon sera lointain. C’est donc cette gestion pilotée qui doit permettre d’orienter l’épargne retraite vers le financement des entreprises.

Cependant, si cette stratégie se comprend, elle n’est pas forcément adaptée à tous les épargnants. Certains restent réfractaires à toute prise de risque. En outre, rien ne garantit que cette stratégie se révèle payante. Tout dépendra du gestionnaire.

Plutôt qu’une gestion pilotée, il pourrait finalement être plus pertinent pour les épargnants de se tourner vers un conseiller financier pour être assisté dans le gestion de leur PER. Ils auraient alors l’assurance que leur épargne est gérée en fonction de leur sensibilité au risque et leur horizon temporel.

 

Un avantage fiscal pas si évident

Les versements volontaires en épargne retraite sont déductibles du revenu imposable, dans la limite des plafonds en vigueur. Cette déduction n’est cependant qu’un report d’imposition puisque ces sommes seront soumises à l’impôt sur le revenu lors de leur sortie en capital ou en rente. Ce report est-il réellement un avantage ? Difficile à dire.

Il se peut que la tranche marginale diminue à la retraite, mais ce n’est pas forcément le cas. De plus, l’imposition du capital sera d’autant plus lourde que le capital sera conséquent.

Par ailleurs, cet avantage fiscal ne concerne que les contribuables assujettis à l’impôt sur le revenu.

Quant aux sommes issues de la participation de l’entreprise, de l’intéressement et des abondements de l’employeur, ainsi que les jours de compte-épargne-temps dans certaines limites, ils bénéficient d’une exonération fiscale lorsqu’ils sont investis en épargne retraite, y compris sur les nouveaux PER.

 

En conclusion, un PER individuel ne présente donc aucun réel intérêt par rapport à un contrat d’assurance vie. Quant aux PER « entreprise », les différences par rapports aux solutions existantes restent limitées.

 

Tableau comparatif des produits d'épargne retraite
source : economie.gouv.fr

 

La loi PACTE simplifie l’épargne retraite mais ne la rend pas plus attractive.

 

Conseiller financier indépendant
Titulaire d'un master en gestion de patrimoine et docteur en économie.

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