Risque et performance : ce que nous acceptons de perdre pour espérer gagner

par Arnaud Sylvain | Autres

Mai 30

Risque et performance : ce que nous acceptons de perdre pour espérer gagner

Et si la qualité de nos réussites dépendait moins de ce que nous maîtrisons que de ce que nous acceptons de risquer ?

 

En finance, le risque désigne l’incertitude liée à un investissement : plus il est élevé, plus le rendement espéré l’est aussi. Ce principe de base est bien connu : il n’y a pas de gain sans risque. Ce lien étroit entre risque et performance dépasse toutefois largement le cadre financier. Il s’observe dans le sport, dans l’art, dans l’entreprise, dans la vie. Aucune réussite significative n’échappe à cette tension entre ce que vous engagez et ce que vous espérez obtenir. Mais que recouvre véritablement cette notion de risque et pourquoi notre époque entretient avec elle une relation aussi ambivalente ?

Comprendre le risque : entre incertitude, perte et mise en jeu

Le risque est une exposition à une perte possible. Il suppose un enjeu, une incertitude quant à l’issue, et une forme de décision, explicite ou non. Contrairement au danger, qui désigne une menace immédiate, le risque est un rapport au futur : il est hypothétique. L’aléa, lui, désigne l’imprévisible sans qu’il y ait nécessairement d’enjeu personnel. Ce qui rend le risque unique, c’est qu’il met en jeu ce que vous possédez ou valorisez, et révèle ce que vousêtes prêt à perdre pour obtenir plus ou mieux.

Qu’il s’agisse d’argent, de réputation, d’équilibre, de sécurité ou de confort, le risque implique toujours un équilibre entre une perte possible et un gain espéré. C’est ce qui en fait un moteur puissant de l’action humaine. On risque rarement pour le plaisir de risquer, mais pour atteindre un objectif qui compte.

Risque et rendement : une tension permanente

En économie, la logique est claire : plus le rendement espéré est élevé, plus le risque supporté l’est aussi. Ce principe peut se généraliser. Dans le sport, les meilleurs résultats naissent souvent d’une prise de risque tactique ou physique. Dans la création, l’innovation, l’engagement, les plus grandes réussites ont été rendues possibles parce que quelqu’un a accepté de s’exposer à un échec, à une incompréhension, à un rejet.

Cette tension est inhérente à toute dynamique de progrès, de croissance ou de dépassement. Celui qui ne prend aucun risque maximise peut-être sa sécurité, mais plafonne aussi son potentiel. À l’inverse, celui qui accepte d’engager une part de ce qu’il a peut, à condition de discernement, accéder à quelque chose de nouveau, de plus grand, de plus juste.

Une société tentée par le contrôle total

Pourtant, notre époque ne cesse de chercher à neutraliser le risque. Tout est fait pour l’identifier, le quantifier, l’assurer, le réduire. Cette quête de sécurité est compréhensible : dans un monde complexe, instable, globalisé, chacun cherche des repères stables. Cependant, cette volonté de tout prévoir, tout contrôler, tout encadrer, produit une illusion de maîtrise. Or, l’essentiel de ce qui fait la richesse de l’existence — aimer, entreprendre, s’exprimer, créer, apprendre — ne se laisse pas sécuriser entièrement.

Réduire le risque à un facteur à éliminer conduit à réduire la dimension vivante de l’expérience. Certaines pertes ne sont pas des échecs mais les contreparties normales d’une tentative sincère. Le risque n’est pas un dysfonctionnement : il est souvent la condition même de la valeur d’un acte.

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Risquer n’est pas s’exposer au hasard, c’est choisir l’incertain

Il ne s’agit pas de faire l’éloge de l’inconscience. Prendre un risque n’est pas se jeter dans le vide, c’est évaluer un enjeu, accepter l’incertitude, agir sans garantie de succès. C’est un choix raisonné, parfois intuitif, mais toujours habité par l’idée que ce qui est visé mérite qu’on s’expose.

Le risque engage donc la liberté, la responsabilité et la zone de confort. Il oblige à sortir du connu, à hiérarchiser ses priorités, à assumer ses décisions. Il demande du courage, non au sens héroïque du terme, mais au sens profond : la capacité à tenir un cap en l’absence de certitude.

De la maîtrise à la résilience

Puisque le risque ne peut être supprimé sans supprimer l’initiative elle-même, il faut apprendre à vivre avec. Cela passe par une culture de la résilience : accepter que la perte est parfois inévitable, mais qu’elle peut être absorbée, dépassée, transformée. Dans les domaines les plus exposés — sport de haut niveau, entrepreneuriat, recherche scientifique, art — la performance durable repose autant sur la prise de risque que sur la capacité à rebondir, à apprendre, à réessayer autrement.

L’idée n’est pas de risquer plus, mais de risquer mieux : en conscience, en lien avec ce qui est jugé digne d’être poursuivi.

Qu’espérez-vous suffisamment pour oser le risquer ?

Le risque met en tension ce que nous avons, ce que nous voulons, et ce que nous sommes prêts à perdre pour y parvenir. Il agit comme un révélateur de valeur : plus le risque accepté est grand, plus l’objectif visé est signifiant. Il ne garantit pas la réussite, mais rend possible une transformation réelle.

Alors la question n’est pas seulement : suis-je prêt à prendre un risque ?
La vraie question est peut-être : qu’est-ce qui vaut assez à mes yeux pour que j’accepte de le risquer ?