Les investisseurs ne sont pas aussi rationnels que le postule la théorie financière classique. Ils sont affectés par des biais cognitifs qui se épercutent sur les mouvements des marchés financiers. Quels sont ces biais et comment s’en prémunir ? Élements de réponse dans cet article.
Sommaire
La science économique et la théorie financière « classiques » reposent sur l’hypothèse de rationalité des agents. Selon cette hypothèse, les individus cherchent à satisfaire leurs besoins au mieux. Ils sont capables de faire le meilleur choix possible en respectant les contraintes qui s’imposent à eux. Cette hypothèse va plus loin que celle de la simple satisfaction des besoins, puisqu’elle implique que les individus sont capables de classer leur choix par ordre de préférence.
Cette hypothèse est critiquable car elle ne reflète pas totalement la réalité des comportements individuels. Elle néglige ainsi les comportements impulsifs (biais émotionnels) et les erreurs d’appréciation (biais cognitifs). Comme l’a montrée la finance comportementale née à la fin des années 1970, les décisions ne sont pas toutes le fruit d’un calcul maximisateur.
D. Kahneman et V.L. Smith, pères de la finance comportementale, l’ont démontré : les individus ne répondent pas aux axiomes traditionnels de la rationalité. Leurs décisions sont influencées par différents biais. Ainsi, l’humeur du moment, la capacité à maîtriser ses émotions, la propension à vouloir minimiser les regrets potentiels en cas d’échec ou la peur de l’inconnu autant d’éléments à prendre en compte afin d’analyser les comportements économiques. Les interactions sociales, le conformisme ou le mimétisme peuvent également avoir une influence sur la manière de prendre une décision. Est-ce pour autant si important ? Oui, car les biais cognitifs sont source de diverses anomalies affectant les comportements économiques et l’efficience des marchés.
Qu’est-ce qu’un biais cognitif ?
Un biais cognitif est un mécanisme de la pensée, qui cause une déviation du jugement. Le terme biais fait référence à une déviation systématique de la pensée logique et rationnelle par rapport à la réalité.
Les biais cognitifs conduisent le sujet à accorder des importances différentes à des faits de même nature et peuvent être repérés lorsque des paradoxes apparaissent dans un raisonnement.
source : Wikipédia
L’aversion au risque est un concept dérivé de la psychologie, de l’économie et de la finance. La valeur que représente un investissement comportant des risques peut être amoindrie aux yeux d’un investisseur par la présence même de risques, qui pourraient être synonymes de pertes. En conséquence, l’investisseur préférera la certitude d’un moindre gain à un gain plus important mais aléatoire.
L’aversion au risque peut-elle être considérée comme un biais cognitif ? Oui, lorsque le gain sûr sera préféré alors même que les probabilités de gain sont en faveur du gain risqué. Oui aussi, si cette aversion au risque se transforme en refus de perdre. Elle conduit alors à se focaliser dans son portefeuille de valeurs sur celles qui perdent de l’argent et à les conserver plutôt qu’à s’en débarrasser. Il en résulte que le portefeuille tend à être composé de plus en plus de valeurs perdantes, ce qui détériore ses performances.
Le biais rétrospectif (ou distorsion rétrospective) est la tendance à rationaliser après coup un événement imprévu et le considérer a posteriori comme plus probable ou prévisible qu’il n’était avant sa survenue. Il peut être résumé par la formule « je le savais depuis le début ! » qui exprime une impression subjective. Avec les informations présentes en notre possession a posteriori, il paraît évident que les faits devaient se passer comme ils se sont effectivement déroulés. Cette tendance peut s’expliquer par le fait qu’un événement qui s’est produit est plus accessible mentalement que des situations possibles qui ne se sont pas produites.
Par ailleurs, le biais rétrospectif fait également appel à un processus semblable à celui du biais de confirmation d’hypothèse lorsque l’individu tente de rationaliser l’événement en cherchant des « signes précurseurs » qui expliqueraient sa survenue, augmentant ainsi l’impression toute subjective de sa prévisibilité. Le biais rétrospectif n’est pas sans danger car celui qui est convaincu de pouvoir prédire le passé croit aussi qu’il peut prédire l’avenir.
Corollaire du biais rétrospectif, l’excès de confiance correspond à une tendance à surévaluer ses capacités et à avoir une tendance exagérée dans son jugement. Il se manifeste par
Le biais de confiance excessive a aussi tendance à diminuer la capacité à apprendre de ses erreurs car celui qui en est atteint ne remet pas en cause la qualité de ses prédictions.
Les études montrent qu’il conduit les investisseurs à acheter/vendre trop rapidement car ils sont convaincus d’en savoir plus que leur contrepartie. Or, les investisseurs perdent en étant trop actifs. Ils ont tendance à acheter après les phases de hausse et à vendre après les phases de baisse.
Le biais de confirmation est la tendance à être concentré sur l’information qui confirme une pensée préexistante. Il fait référence à la pensée sélective, qui fait que quelqu’un a tendance à noter et à chercher ce qui confirme ses croyances, et à ignorer, ne pas rechercher, ou sous-estimer l’importance de ce qui les contredit.
Le biais de confirmation peut amener les investisseurs à ignorer les indices que leur stratégie les conduit à des pertes. Ils surévaluent l’information qui confirme leur opinion et minimisent les informations discordantes.
Lorsque nous tentons d’estimer l’inconnu, nous nous reposons sur ce qui nous est familier. Le biais d’ancrage (ou parfois biais de point de départ) désigne la difficulté que l’on rencontre à se départir de sa première impression. En se focalisant sur une première information, une première valeur ou un premier élément, l’esprit n’arrive plus à apprécier et prendre en considération les nouvelles informations.
Ainsi, les investisseurs ont tendance à rester ancrés sur des informations connues ou immédiatement observables (par exemple les performances récentes) qui influenceront leur décision d’investir. Ils ne tiendront pas toujours compte d’autres informations qui pourraient les aider à éviter des déconvenues.
A. Tversky et D. Kahneman ont pu illustrer ce biais. Dans un article (à télécharger ici), ils expliquent qu’il a été demandé à des groupes de sujets d’estimer le pourcentage de pays africains dans les Nations Unies en se positionnant par rapport à un nombre (compris entre 0 et 100) tiré au hasard. Il est ainsi apparu que l’estimation médiane de pays africains était de 25 % lorsque ce nombre était de 10 % et de 45 % lorsqu’il était de 65%. Le point de départ immédiatement observable influence donc l’estimation de l’inconnu.
Les investisseurs sont bombardés d’idées en matière d’investissement, de la part des médias, des courtiers, des magazines, des sites Internet. Comme ils ne peuvent connaître tous les titres, ils peuvent se laisser tenter et investir sur un nouveau titre présenté comme meilleur que ceux déjà en portefeuille.
Décider d’acheter un titre « parce que tout le monde l’achète », cela relève d’un comportement moutonnier. La gestion de portefeuille doit plutôt répondre à des données factuelles, plutôt qu’au comportement des autres investisseurs.
De ses études sur les biais cognitifs, D. Kahneman s’est posé la question de savoir dans quelle mesure on pouvait faire confiance à l’expertise d’un professionnel. Sa réponse est qu’il faut un environnement suffisamment régulier pour être prédictible, et la possibilité d’apprendre cette régularité par la pratique. Or, l’environnement financier n’est pas déterministe, du moins à court terme. Dans une telle situation, D. Kahneman recommande de fixer des règles de décision et de s’y tenir.
Le court terme étant largement imprévisible et sujet à des perturbations irrationnelles, il est préférable d’investir à long terme. Bien souvent, les investisseurs ont un horizon d’investissement trop court. Ils se précipitent sur les titres à la mode lorsqu’ils sont surachetés ou au contraire, fuient les marchés en pleine phase de panique boursière. Ils ressentent l’urgence d’agir pour se rassurer. Au regard des biais comportementaux évoqués, c’est une source de risque qui peut coûter cher. La patience constitue donc un grand atout pour l’investisseur.
Si la performance d’un actif financier est volatile et incertaine, les coûts ne le sont pas et peuvent rapidement grignoter une partie de la performance d’un actif. Un bon moyen d’améliorer les performances de ses placements financiers consiste donc à en réduire les coûts (toutes choses égales par ailleurs).
Vous pouvez faire appel à un professionnel qui vous proposera une approche de long terme et une stratégie claire.
10 biais psychologiques à connaître (1/2), Morningstar
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Finance comportementale, Ooreka
D. Kahneman : Ces biais cognitifs qui nous trompent, Nalo
Éviter les pièges de la pensée : Comprendre les biais cognitifs, La Toupie
Quand le comportement influence les achats en Bourse, LeMonde.fr
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Titulaire d'un master en gestion de patrimoine et docteur en économie.