Assurance vie et Succession : guide complet

par Arnaud Sylvain | Assurance-vie

Juil 15

Assurance vie et succession

L’assurance vie est un bon outil pour se constituer un capital. C’est également une arme redoutable pour transmettre un capital.

 

L’essentiel :

  • Au décès de l’assuré, le capital accumulé est transmis au(x) bénéficiaire(s) désignés par le souscripteur.
  • Les bénéficiaires du contrat sont librement choisis par le souscripteur, selon les modalités qu’il aura définies.
  • L’assurance vie est hors succession et permet de contourner (partiellement) le mécanisme de la réserve héréditaire et de la quotité disponible.
  • Au décès de l’assuré, les bénéficiaires ne sont pas assujettis aux droits de succession mais à la fiscalité plus favorable de l’assurance vie.

Sommaire


Que devient une assurance vie après le décès de l’assuré ?

L’assurance vie est un contrat par lequel l’assureur s’engage, en contrepartie du paiement de primes, à verser une rente ou un capital à l’assuré ou à ses bénéficiaires.

Un contrat d’assurance vie est géré par un assureur. Il peut être souscrit auprès d’un agent d’assurances ou d’un courtier, ainsi que par l’intermédiaire d’une banque.

 

Assurance vie et assurance décès : deux produits à ne pas confondre

Avec une assurance décès, vous vous assurez contre le risque de décès. Vous versez des primes et lorsque le risque se réalise, le bénéficiaire que vous avez désigné reçoit le capital correspondant. C’est un produit à fonds perdus dont vous ne bénéficierez pas.

Une assurance vie est un produit d’épargne dont vous pourrez récupérer les fonds par des rachats de contrats ou à l’échéance du contrat.

 

Deux types de contrat d’assurance vie existent :

  • Les contrats monosupport : les versements sont investis sur un support en euros. Le capital investi est garanti à tout moment et les intérêts de l’année sont définitivement acquis.
  • Les contrats multisupport : À côté du fonds en euros (commun avec les contrats monosupport), il est possible d’investir dans des supports plus risqués appelés unités de compte (UC). L’assureur ne garantit pas la valeur de ces unités mais leur nombre. Pourquoi prendre le risque d’investir dans des unités de compte ? Pour obtenir un rendement plus élevé que celui du fonds en euros (rendement et risque sont positivement liés).

Avec les contrats multisupport, l’assurance vie devient plus qu’un produit d’épargne. Les primes peuvent être placées sur des supports risqués pour rechercher du rendement, ce qui fait de l’assurance vie un produit d’investissement.

Après ouverture du contrat par un versement initial, il est possible d’effectuer des versements sans limite de montant. Il est également possible d’effectuer des retraits.

Un contrat d’assurance vie n’a pas de durée légale. Il s’éteint lors du décès de l’assuré ou au moment de la date butoir éventuellement définie lors de la souscription. Il peut aussi être clos par retrait de l’intégralité des fonds.

  • En cas de vie de l’assuré au terme du contrat, l’assureur lui verse le capital accumulé sur le contrat sous forme de capital ou de rente.
  • Si l’assuré décède avant le terme du contrat, le capital accumulé est versé au(x) bénéficiaire(s) désigné(s) par le souscripteur.

Le capital accumulé correspond aux primes versées diminuées des frais, auxquelles s’ajoutent les gains ou les pertes retirés du placement de ces primes.

 

Souscripteur, assuré, bénéficiaire d’un contrat d’assurance vie : qui fait quoi ?

Le souscripteur est la personne qui signe le bulletin de souscription et qui effectue les versements.

L’assuré est la personne sur qui repose le risque. Il est généralement le souscripteur mais ce n’est pas obligatoire. Dans ce cas, l’assuré désigné par le souscripteur doit donner son consentement écrit au contrat. Des parents peuvent par exemple souscrire un contrat d’assurance vie pour leurs enfants. Les parents sont les souscripteurs et les enfants, les assurés.

Le bénéficiaire est la personne qui bénéficie de la prestation (versement d’une somme prévue au contrat) en cas de décès de l’assuré. C’est le souscripteur du contrat qui désigne le(s) bénéficiaire(s).

 

Quels sont les bénéficiaires du contrat d’assurance vie lors de la succession ?

Si l’assuré décède avant le terme du contrat d’assurance vie, les capitaux sont transmis au(x) bénéficiaire(s) désigné(s) par le souscripteur dans la clause bénéficiaire.

La clause bénéficiaire du contrat est rédigée lors de la souscription du contrat. Vous pouvez adopter une clause standard ou une clause personnalisée. Il est également possible de ne pas communiquer le nom du ou des bénéficiaire(s) à l’assureur en renvoyant à un testament ou à une clause déposée dans un coffre d’un établissement bancaire.

Les contrats d’assurance vie proposent généralement une ou plusieurs clauses standards. La plus fréquente prévoit qu’en cas de décès, le capital sera transmis aux bénéficiaires suivants :

« Mon conjoint, à défaut aux enfants nés ou à naître, vivants ou représentés, à défaut aux héritiers. »

Cette clause est adaptée pour transmettre le capital du contrat à son conjoint, ce qui est la préoccupation du plus grand nombre. En outre, sa rédaction en cascade (le conjoint puis les enfants puis les héritiers) garantit dans l’immense majorité des cas l’existence d’un bénéficiaire.

Cette clause standard n’est cependant pas adaptée à toutes les situations. Ainsi par exemple, elle ne convient ni aux partenaires de PACS ni aux concubins car ils ne peuvent être qualifiés de « conjoints ».

Lorsque la clause standard n’est pas adaptée, il est tout à fait possible de rédiger une clause personnalisée. Celle-ci permettra notamment au souscripteur de choisir des bénéficiaires qui n’ont pas de lien de parenté avec lui, de privilégier la situation financière d’un héritier par rapport à un autre, ou encore de répartir les capitaux dans l’ordre qu’il décide.

La rédaction d’une clause bénéficiaire personnalisée est un exercice délicat car cette clause est totalement libre. Les termes employés conditionneront la manière dont le capital décès sera attribué aux bénéficiaires désignés. Sachez QUE L’interprétation des clauses bénéficiaires nourrit chaque année un contentieux important.

Vous devrez donc être vigilant lorsque vous rédigerez une clause sur mesure. Les bénéficiaires devront être clairement identifiés et vous ne devrez pas oublier de modifier cette clause si votre situation ou vos souhaits évoluent. S’il n’y a pas de bénéficiaire identifié, le capital de l’assurance vie rentrera dans la succession de l’assuré.

Comment rédiger une clause bénéficiaire sur mesure ?

Vous pouvez choisir de désigner les bénéficiaires par leur qualité (conjoint, enfant, héritier, etc.), sans les nommer précisément. La situation prise en compte pour le versement du capital sera alors celle dans laquelle vous vous trouvez au moment de votre décès.

Vous pouvez aussi désigner nommément vos bénéficiaires. Dans ce cas, il sera conseillé de ne pas se limiter à leur nom et prénom et d’y ajouter des éléments distinctifs. Évitez néanmoins de cumuler une désignation par la qualité et le nom (« mon conjoint M. ou Mme… »). En cas de perte de la qualité, un conflit pourrait naître sur l’identité du bénéficiaire, par exemple entre le nouveau conjoint et la personne nommément désignée.

Toutes les précisions que vous apporterez concernant le(s) bénéficiaire(s) désigné faciliteront leur identification.

Le choix d’une clause personnalisée vous offre par ailleurs la possibilité de démembrer cette clause. Vous attribuerez alors l’usufruit et la nue-propriété à des bénéficiaires différents. Si vous le souhaitez, vous pourrez aussi assortir la désignation des bénéficiaires d’une mention prévoyant l’utilisation du capital reçu ou décider que le capital servira en priorité à payer les droits de succession.

Les possibilités sont nombreuses en conséquence, mieux vaut recourir à un professionnel pour bien rédiger une clause bénéficiaire sur mesure. N’oubliez pas qu’en cas d’absence de bénéficiaire identifié, le capital de l’assurance vie rentrera dans la succession de l’assuré.

Par ailleurs, le souscripteur n’est pas obligé d’informer le(s) bénéficiaire(s) de sa (leur) désignation. De plus, la clause bénéficiaire peut être modifiée à tout moment, sauf si l’acceptation du bénéfice du contrat a été validée par un avenant tripartite signé par l’assureur, le bénéficiaire désigné et le souscripteur.

Lorsque l’acceptation aura été réalisée, elle deviendra irrévocable. Le souscripteur ne pourra plus effectuer de rachat ni demander une avance, ni même nantir le contrat sans l’autorisation du ou des bénéficiaires.

Assurance vie et succession

La rédaction de la clause bénéficiaire est d’autant plus importante qu’en l’absence de bénéficiaire désigné, le contrat tombe dans la succession de l’assuré.

Le Code des assurances permet en effet aux contrats d’assurance vie d’être transmis hors succession. Ainsi, d’après l’article L. 132-12 du Code des assurances,

« Le capital ou la rente stipulés payables lors du décès de l’assuré à un bénéficiaire déterminé ou à ses héritiers ne font pas partie de la succession de l’assuré. Le bénéficiaire, quelles que soient la forme et la date de sa désignation, est réputé y avoir eu seul droit à partir du jour du contrat, même si son acceptation est postérieure à la mort de l’assuré. »

Cela signifie que les bénéficiaires d’une assurance vie ne paieront pas de droits de succession sur les sommes reçus. Si l’avantage est relativement limité lorsque le bénéficiaire est le conjoint survivant, il est conséquent pour des bénéficiaires qui ne sont pas des parents de l’assuré (un concubin, par exemple) et pour lesquels les droits de succession s’élèvent à 60 %.

De plus, les sommes reçues ne sont pas comptabilisées dans le calcul de la réserve héréditaire et de la quotité disponible. Il est donc possible par le biais d’un contrat d’assurance vie de contourner la réserve héréditaire et d’avantager les bénéficiaires au détriment des héritiers réservataires. Cela permet-il pour autant d’aller jusqu’à déshériter les héritiers réservataires ?

Non. Pour éviter qu’un souscripteur ne déshérite ses héritiers, la loi a prévu un garde-fou. Les primes versées ne doivent pas être manifestement exagérées. D’après l’article L. 132-13 du Code des assurances,

« Le capital ou la rente payables au décès du contractant à un bénéficiaire déterminé ne sont soumis ni aux règles du rapport à succession, ni à celles de la réduction pour atteinte à la réserve des héritiers du contractant.
Ces règles ne s’appliquent pas non plus aux sommes versées par le contractant à titre de primes, à moins que celles-ci n’aient été manifestement exagérées eu égard à ses facultés. »

Si les primes sont manifestement exagérées, alors les capitaux versés au bénéficiaire seront assimilés à des donations et seront réintégrés en totalité ou en partie dans la succession. Les héritiers qui s’estiment privés de leur droit réservataire disposent donc d’un moyen pour saisir la justice.

Dans certains cas, des héritiers réservataires qui s’estimeraient lésés pourraient aussi arguer d’une donation indirecte et demander la requalification du contrat d’assurance vie. La jurisprudence requalifie en effet les assurances vie en donations rapportables si l’assuré a manifesté sa volonté de se dépouiller irrévocablement.

 

Réserve héréditaire et quotité disponible

En France, le patrimoine d’un défunt est partagé entre réserve héréditaire et quotité disponible. La première est obligatoirement attribuée aux héritiers réservataires. La seconde peut être utilisée librement par le défunt.

Les héritiers réservataires sont déterminés selon la situation familiale du défunt :

  • Si le défunt à des enfants (naturels, légitimes, adultérins), ceux-ci sont héritiers réservataires.
  • Si un des enfants du défunt est décédé, ce sont ses enfants qui sont héritiers réservataires à sa place.
  • En l’absence d’enfants et de petits-enfants, c’est le conjoint (marié) qui est héritier réservataire.
  • Si le défunt n’a ni enfants, ni petits-enfants, ni conjoint alors il n’y a pas d’héritiers réservataires.

Quelle est la fiscalité lors du décès de l’assuré ?

Le capital versé au(x) bénéficiaires lors du décès de l’assuré est soumis à une fiscalité spécifique en fonction de l’âge de l’assuré au moment des versements, hormis lorsque le bénéficiaire est le conjoint survivant ou le partenaire pacsé qui sont totalement exonérés.

Le capital accumulé jusqu’au 70 ans de l’assuré (primes et gains) est imposé au taux de 20 % après un abattement de 152 500 euros par bénéficiaire. L’imposition passe à 31,25 % au-delà de 700 000 euros après abattement de 152 500 euros (article 990 I du code général des Impôts).

Les primes versées après 70 ans sont soumises aux droits de succession après abattement global de 30 500 euros (et non par bénéficiaire). Par contre, les gains retirés de ces primes versées après 70 ans ne sont pas imposables (article 757 B du Code général des impôts).

Des dispositions spécifiques existent par ailleurs pour les contrats les plus anciens (avant novembre 91) et selon que les primes ont été versées avant ou après 1998.

A titre de comparaison, les droits de succession sont calculés de la manière suivante :

Les héritiers bénéficieront d’un abattement personnel sur l’actif taxable qui sera fonction de leur lien de parenté avec le défunt et de leur situation personnelle à condition qu’ils ne l’aient pas utilisé dans les 15 années précédant le décès.

Cet abattement est de :

  • 100 000 euros pour un enfant, un père ou une mère
  • 15 932 euros pour un frère ou une sœur
  • 7 967 euros pour un neveu ou une nièce
  • 1 594 euros en l’absence d’un autre abattement applicable

Les personnes handicapées remplissant les conditions bénéficieront d’un abattement supplémentaire de 159 325 euros.

L’actif taxable diminué de l’abattement aboutit à la part taxable. Pour obtenir le montant des droits de succession à acquitter, il faut lui appliquer des taux qui diffèrent selon la qualité de l’héritier.

Pour les héritiers en ligne directe, le barème progressif suivant s’appliquera :

 

Tranche de part taxable Taux applicable
N’excédant pas 8 072 euros 5 %
Compris entre 8 072 et 12 109 euros 10 %
Compris entre 12 109 et 15 932 euros 15 %
Compris entre 15 932 et 552 324 euros 20 %
Compris entre 552 324 et 902 838 euros 30 %
Compris entre 902 838 et 1 805 677 euros 40 %
Supérieur à 1 805 677 euros 45 %

 

Pour les frères et sœurs, ce seront les taux suivants :

 

Tranche de part taxable Taux applicable
Inférieur à 24 430 euros 35 %
Supérieur à 24 430 euros 45 %

 

Par ailleurs, un taux de 55 % s’appliquera pour les parents jusqu’au quatrième degré inclusivement.

Les autres héritiers seront quant à eux taxés à un taux de 60 %.

Faut-il déclarer une assurance vie au notaire ?

Dès lors qu’un contrat d’assurance vie ne fait pas partie de la succession du défunt (il n’impacte donc pas le calcul de la réserve héréditaire ou de la quotité disponible), le notaire en charge de cette succession n’a pas besoin d’être prévenu.

En revanche, lorsque le contrat d’assurance vie interfère (ou peut interférer) dans la succession, alors il est préférable de le déclarer au notaire :

  • Lorsque des versements ont été effectués après les 70 ans du souscripteur : les primes versées sont soumises aux droits de succession lorsqu’elles excèdent 30 500 euros.
  • Lorsque des primes importantes ont été versées, qui pourraient être manifestement exagérées. Elles pourraient alors être réintégrées dans la succession.
  • Le contrat doit également être déclaré au notaire lorsque le risque d’une requalification en donation indirecte existe. Les donations sont en effet réintégrées dans l’actif successoral.
  • Enfin, il est préférable de déclarer un contrat d’assurance vie au notaire lorsqu’il constitue un bien commun au défunt et à son conjoint survivant. Dans certains cas une partie de ce contrat peut être réintégrée dans l’actif successoral.

Vous savez maintenant pourquoi l’assurance vie est un outil redoutable pour transmettre un capital. Soyez néanmoins vigilant dans la rédaction de la clause bénéficiaire et n’hésitez pas à solliciter un professionnel pour vous y aider.

Titulaire d'un master en gestion de patrimoine et docteur en économie.

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