Faut-il craindre la fin du fonds en euros ?

par Arnaud Sylvain | Assurance-vie

Nov 25

Faut-il craindre la fin des fonds en euros ?

Craignant des taux durablement bas, les assureurs restreignent l’accès aux fonds en euros. Faut-il s’en inquiéter ?

 


Sommaire


Les fonds en euros victimes des taux négatifs

Le fonds en euros est le produit financier préféré des épargnants. Ainsi, 74 % des 1 765 milliards d’euros investis en assurance vie sont placés sur des fonds en euros. Pourquoi ? capital garanti, disponibilité, rendement intéressant, un tiercé gagnant depuis plus de 30 ans.

Une baisse durable des taux d’intérêt pourrait néanmoins être fatale au fonds en euros tel qu’il a existé jusqu’à présent.

Les fonds en euros sont en effet constitués d’obligations, et notamment d’obligations d’Etat, dont les rendements diminuent en raison de la baisse des taux d’intérêt. Ainsi par exemple, les taux des obligations de l’État français sont négatifs jusqu’à une certaine durée. Au 25 novembre 2019, le taux d’une obligation d’une durée de 5 ans est de l’ordre de -0,4 % par an. Il est de 0 % à 10 ans. Vous pouvez retrouver le taux de ces obligations sur le site de la banque de France.

 

Que signifie un taux négatif ?

Dans une situation normale, un détenteur d’obligation perçoit un intérêt annuel pendant toute la durée de vie de l’obligation. À l’échéance de celle-ci, il est également remboursé du montant du nominal, c’est à dire de la valeur faciale de l’obligation.

Une obligation émise à 100 euros au taux de 2 % par an sur 5 ans produira 2 euros d’intérêt annuels, soit au total 10 euros sur la durée de vie de l’obligation. Au terme de celle-ci, le détenteur de l’obligation recevra en outre les 100 euros.

En cas de taux d’intérêt négatif, l’obligation émise donne également droit à la perception d’intérêt sur toute sa durée de vie. Toutefois, son détenteur ne l’a pas achetée à sa valeur faciale, mais plus.

Par exemple il l’achète 111 euros alors que sa valeur faciale est de 100 euros. À l’échéance de l’obligation, il recevra ces 100 euros. Avec un taux d’intérêt de 2 % par an sur 5 ans, il aura perçu des coupons pour un total de 10 euros (2 euros par an sur 5 ans). À terme, il récupère 100 euros après avoir encaissé 10 euros d’intérêts, soit 110 euros sur la période alors qu’il a acheté le titre 111 euros. Son rendement est donc négatif de 0,9 % (1 euro perdu sur 111 investis). Comme le paiement du coupon est fixe et connu lors de l’émission, l’investisseur sait que son rendement sera négatif dès qu’il achète le titre et prend donc sa décision en connaissance de cause.

Source : La finance pour tous

 

Si les fonds en euros sont majoritairement investis dans des obligations d’État dont les rendements sont négatifs, comment peuvent-ils encore proposer des rendements proches de 2 % ?

  1. La majorité des sommes investies dans les fonds en euros sont placés sur des « anciennes » obligations dont les rendements sont plus élevés. Les montants investis dans des obligations à rendement faible ou négatif proviennent uniquement des nouveaux versements et des obligations qui arrivent à échéance. Ce sont ces montants qui « diluent » le rendement.
  2. Les fonds en euros sont également composés d’actifs risqués qui permettent d’obtenir un supplément de rendement (actions, immobilier).
  3. Les assureurs peuvent piocher dans les réserves accumulées pour augmenter (temporairement)le rendement de leurs fonds en euros.

Cela explique que la baisse du rendement des fonds en euros soit progressive. Cependant, si les taux devaient rester très bas durablement, le rendement des fonds en euros devrait continuer à se réduire et pourrait arriver au point où garantir le capital devient coûteux pour les assureurs. Si le rendement net d’un fonds en euros devient négatif, il est en effet difficile de proposer une garantie en capital, comme nous l’expliquions dans cet article.

Face à des taux qu’ils anticipent durablement bas, les assureurs déploient différentes mesures pour ralentir la baisse du rendement des fonds en euros :

  • Des restrictions d’accès pour limiter la dilution du rendement, soit en imposant un investissement minimum en unités de compte, soit (mesure extrême) en fermant l’accès au fonds en euros.
  • Une augmentation des droits d’entrée ou des frais de gestion
  • Une garantie partielle du capital

 

De quoi le fonds en euros est-il constitué ?

Le portefeuille du fonds euros est constitué pour 80 % environ d’obligations. Ceci s’explique par le fait que les assureurs ont le devoir de garantir au souscripteur les sommes placées sur ce support : le risque financier est porté par la compagnie d’assurance.

Ce type de placement a l’avantage d’offrir une rémunération annuelle, grâce aux coupons distribués et d’être remboursé à l’échéance. Les émetteurs des obligations sont des États (emprunteurs « souverains ») et des sociétés privées (emprunts « corporate »). Lorsque le gérant du fonds réalise une plus-value lors d’une cession de titres obligataires, celle-ci est automatiquement versée dans la réserve de capitalisation.

Une petite partie du fonds euros est investie en actions (5 à 10 % selon les époques et les assureurs). Le risque est certes plus élevé mais le rendement du dividende et la perspective de plus-values à long terme permet d’espérer améliorer l’ordinaire. En cas de moins-value importante et durable, l’assureur est tenu de constituer une provision pour le cas où le cours de l’action concernée ne remonterait jamais.

L’immobilier est une composante classique du fonds euros, notamment l’immobilier d’entreprise et de centres commerciaux. Les loyers reçus sont complétés par une revalorisation des actifs détenus.

Un professionnel est chargé de gérer ce fonds, c’est-à-dire d’acheter et de vendre les valeurs détenues en portefeuille. Les règles de gestion à respecter par les assureurs sont nombreuses et souvent très précises, afin de protéger les capitaux confiés par l’assuré(e). Elles ont pour objectif d’empêcher l’assureur de « faire des bêtises » c’est-à-dire de faire des promesses de rendement qu’il ne pourrait pas tenir sur la durée.

Dans ce cadre réglementaire supervisé par l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR), l’argent des titulaires des contrats placé en fonds euros est géré par les compagnies d’assurance de manière discrétionnaire, c’est à dire sans avoir à leur en référer au préalable.

Source : La finance pour tous

 

Quoi qu’il en soit, si les taux devaient rester bas, le rendement des fonds en euros devrait poursuivre sa baisse. Est-ce vraiment si préoccupant ?

Baisse du rendement des fonds en euros : est-ce si grave ?

Les conséquences ne seront pas les mêmes selon la destination de votre épargne.

L’épargne est la fraction non consommée du revenu, elle ne se définit pas par rapport au risque ou à la sécurité. Contrairement à l’investissement dont l’objectif est la recherche de rendement, l’épargne répond à des motivations multiples :

  • L’épargne de précaution vise à financer les dépenses de consommation à venir ou imprévues, les décalages de trésorerie ou encore les impôts. Cette épargne doit être investie sur des supports sans risque garantissant une disponibilité immédiate des sommes épargnées. Le livret A et les autres livrets d’épargne sont les supports les plus adaptés à cette épargne. Le fonds en euros est également une option, à condition que les sommes versées soient garanties (ce qui n’est plus le cas de tous les fonds en euros).
  • L’épargne projet est constituée pour financer des projets tels que l’acquisition d’un véhicule, d’une résidence principale ou secondaire, un projet professionnel ou personnel exceptionnel, ou encore le financement des études des enfants. L’horizon temporel restant limité, cette épargne doit être investie sur des supports peu risqués afin de limiter une éventuelle perte en capital. Le fonds en euros constitue le support le plus approprié pour cette épargne, car il offre encore pour l’instant un rendement réel positif (rendement réel = rendement nominal corrigé de l’inflation).
  • L’épargne patrimoine/retraite vise à se constituer un capital en vue d’objectifs de long terme. Comme l’horizon temporel est lointain, un rendement élevé pourra être recherché. Les unités de compte sont la destination naturelle de cette épargne de long terme. Cette épargne est la seule des trois qui correspond à une logique d’investissement (investir, c’est « placer des fonds dans quelque chose en vue d’en tirer un bénéfice »).

 

L’épargne de précaution (3 à 6 mois de revenu) ne devrait pas souffrir des restrictions imposées aux fonds en euros. Elle retournera sur ses supports naturels, le livret A ou les autres livrets d’épargne. Les sommes sont garanties, immédiatement disponibles, mais faiblement rémunérées.

L’épargne-investissement ne devrait pas non plus être affectée par les nouvelles contraintes des fonds en euros. Mieux, cela évitera que des épargnants ne préparent leur retraite avec un fonds en euros.

L’épargne projet est en revanche la composante de l’épargne qui devrait être la plus touchée. Désormais, les épargnants devront s’interroger sur l’horizon temporel de cette épargne, sur la disponibilité souhaitée des fonds, et sur le niveau de risque à prendre.

En effet, le fonds en euros, dont la rentabilité réelle sera toujours plus faible, ne conviendra plus aux durées de placement les plus longues (plus l’horizon temporel est long, plus il est acceptable de prendre des risques). Pour autant, il serait erroné de vouloir tout placer sur des unités de compte sans réfléchir.

Les nouvelles contraintes pesant sur les fonds en euros obligeront donc les épargnants à s’interroger plus précisément sur la finalité de leur épargne. À l’avenir, ils ne pourront plus bénéficier de la sécurité et d’un rendement correct et devront combiner au mieux le risque et le rendement. Des soucis en perspective pour les novices qui décideront de s’y atteler seul, mais une réelle opportunité pour les conseillers financiers/a> et autres conseillers en gestion de patrimoine

 

Titulaire d'un master en gestion de patrimoine et docteur en économie.

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